Ayahuasca

Qu’est-ce que c’est?

L’ayahuasca est une boisson psychoactive à base de plantes. Les peoples indigènes d’Amazonie l’utilisent traditionnellement depuis des siècles à des fins spirituelles et médicales lors de rituels chamaniques.

Le nom ayahuasca vient du Quechua « aya » voulant dire esprit et « huasca » la liane, généralement traduite liane de l’âme (1).

La décoction est faite à partir de la vigne de Banisteriopsis caapi ou de B.inebrians (contenant l’alkaloïde béta-carboline),et des feuilles de Psychotria Viridis (contenant la dimethyltryptamine, ou DMT).

Pour la préparer, les chamanes récoltent l’écorce de B.caapi qu’ils lavent dans l’eau. L’écorce est pilée puis placée dans un chaudron en alternance avec les feuilles de P.viridis. Puis, il s’agit d’ajouter de l’eau jusqu’à immerger les plantes et de faire bouillir la décoction durant 8 heures. (2)

Un hallucinogène?

En occident, nous considérons l’ayahuasca comme un hallucinogène. Les hallucinogènes sont des substances psychoactives pouvant produire des changements de perception et de sentiments sans pour autant provoquer de perte de mémoire ou de conscience (3).

Mais le terme fait débat. Pour le chamane Juan Mutumbajoy Jacanamijoy de Putumayo, Colombie, cette plante est un « visualiseur », non un hallucinogène. Car ce que l’on voit lors de sa prise n’est pas une illusion, mais des visions d’un monde auquel nous n’aurions pas toujours accès. (4).

Un engouement croissant

L’engouement scientifique est important, les études portant sur ses aspects sociologiques, psychologiques, psychiatriques, neurologiques, pharmacologiques, toxicologiques et religieux, fleurissent (5). En 2 décennies, les études publiées sur le sujet ont plus que décuplé (sur pubmed: 35 en 2000, 521 en 2022).

Pourquoi est-ce utilisé

Les substances psychédéliques font partie des médecines traditionnelles depuis des millénaires. Les indigènes considèrent ces plantes comme « enseignantes » et les utilisent à des fins religieuses, pour communiquer avec les esprits, pour se guérir ou de manière préventive. (6)

Dans certaines tribus d’Amazonie, les soldats buvaient aussi de l’ayahuasca en revenant du combat. Le but était de pouvoir réintégrer la société après s’être débarrassé de son agressivité. (7)

En occident, après un premier essor dans les années 1950-1960, l’ayahuasca est interdite dans les années 1970 (8). La guerre contre les drogues fait alors stopper net la recherche scientifique à son sujet.

Ces dernières années, un nouvel engouement pour le potentiel thérapeutique des substances psychédéliques et des pressions des associations pour obtenir des dérogations concernant leur usage a fait renaître la recherche scientifique (9).

Aujourd’hui, l’ayahuasca s’est aussi démocratisée en occident en dehors du cadre de la recherche. Elle est souvent utilisée dans un but d’auto-analyse, de traitement, et d’expansion de l’esprit.

Qu’en dit la recherche scientifique?

Pharmacologie, neuroscience

Le mélange appelé « ayahuasca » contient deux principes actifs: la plante P.viridis prodigue de la DMT, la plante B.caapi de l’alcaloïde β-carboline.

L’alcaloïde β-carboline joue un rôle clé dans l’effet psychoactif de la décoction. En effet, c’est l’ingrédient qui permet l’effet de l’ayahuasca. Il inhibe une enzyme appelée monoamine oxidase (MAO). Sans l’inhibition de ladite MAO, la DMT serait détruite par l’estomac, avant d’atteindre le cerveau. La décoction n’aurait donc aucun effet psychotrope.

La DMT, d’un autre côté, est une molécule similaire – dite agoniste – à la sérotonine (que l’on connait comme « hormone du bonheur »). Elle se lie à un des récepteurs sérotoninergiques appelé 5-HT2A (10). Elle est partie intégrante de nombreuses espèces végétales dont P.viridis. Quand absorbée, elle induit des états de conscience modifiés, souvent caractérisés par des visions, de l’introspection et des émotions intenses (11).

Aujourd’hui, les recherches des scientifiques occidentales rejoignent les connaissances ancestrales des peuples indigènes, en reconnaissant le potentiel thérapeutique important de ce mélange (12).

Ce que l’on sait des bénéfices

Ce que les scientifiques ont jusqu’alors découvert, c’est que l’ayahuasca permet d’accéder à des niveaux plus profonds de connaissance de soi (13). Elle augmente aussi la pensée créative, l’acceptation de soi, la joie de vivre et la flexibilité mentale et permet de ré-explorer un passé émotionnel avec une autre perspective (14).

Ces effets positifs seraient en partie dus au fait que, comme beaucoup de substances psychédéliques, l’ayahuasca augmenterait la neuroplasticité – c’est-à-dire la capacité du cerveau à créer de nouvelles connections. Cet action, qui dure des heures, voir des jours, après la prise, est une alliée pour guérir les problèmes psychiques (15).

Addiction

De nombreux chercheurs considèrent l’ayahuasca comme utile dans le traitement des problèmes d’addiction et aux troubles du contrôle des impulsions (16) (17). De nombreux pays d’Amérique latine l’utilisent déjà comme traitement des addictions.

Maladies mentales

Un autre pan de recherche s’intéresse à l’ayahuasca dans le traitement de l’anxiété et de la dépression (18). En effet, être capable de prendre du recul sur ses propres croyances, pensées et émotions tout en s’acceptant, représente un atout considérable dans le traitement de ces troubles (et dans la vie en général) (19).

Ce que l’on sait des risques

Longtemps, les occidentaux ont associé les substances hallucinogènes à la « folie ». Aujourd’hui, les preuves tentent à montrer que le risque d’épisodes psychotiques est faible lorsque les psychotropes sont utilisés dans des contextes expérimentaux ou rituels. Tel est du moins le cas de l’ayahuasca, du LSD et du psilocybe (champignon magique).

Les scientifiques recommandent tout de même aux individus avec des antécédents personnels ou familiaux de psychose ou de manie d’éviter la prise d’hallucinogènes (20).

L’ayahuasca ne semble pas créer de dépendance ou de tolérance et ne risque donc pas de devenir addictive (21).

Ses effets secondaires peu sévère et son immense potentiel thérapeutique ont convaincu de nombreux chercheurs qu’il serait préférable d’assouplir les réglementations la concernant, afin de pouvoir plus facilement l’étudier. (22)

Une plante pour être connecté au « tout »?

Les peoples indigènes considèrent l’ayahuasca comme une « plante enseignante » qui permet d’entrer en contact avec le mystique (23). Elle donnerait à la personne qui en prend un accès direct au monde spirituel et à des « réserves de sagesses » autrement inaccessibles, facilitant par ce biais l’intelligence existentielle (24).

L’ayahuasca est généralement considérée comme une plante promouvant les relations harmonieuses entre les Êtres humaines et entre les Êtres humains et la Nature. Elle est vue comme un outil de purification de l’âme et du corps (25).

La croyance veut que l’ayahuasca soit une boisson donnant accès à une connaissance humaine cumulée à travers les âges. Elle serait la clé d’un endroit psychique où l’Être humain partage avec la Nature le même espace-temps, lui rappelant les liens profonds les unifiant l’un à l’autre. (26)

Les personnes qui en prennent décrivent une expérience transcendantale, où la notion du temps est fortement altérée (27). Elles sont invitées à rencontrer des esprits-maîtres des plantes ou animaux, et se sentent faire un avec l’univers. Cela est accompagné d’un sentiment d’extase et de paix profonde. (28)

Merci à la Dr.sse Alice Krähenbühl pour sa contribution scientifique à la préparation de cette page informative sur le médecine de l’ayahuasca.


Notes:

(1) River L, Lindgren J-E. « Ayahuasca », the South American hallucinogenic drink: An ethnobotanical and chemical investigation. Economic Botany, 1972, vol. 26, p. 101-129.

(2) Callaway JC, McKenna DJ, Grob CS, Brito GS, Raymon LP, Poland RE, Andrade EN, Andrade EO, Mash DC. Pharmacokinetics of Hoasca alkaloids in healthy humans. J Ethnopharmacol. 1999 Jun;65(3):243-56. doi: 10.1016/s0378-8741(98)00168-8. PMID: 10404423.

(3) Trichter S, Klimo J, Krippner S. Changes in spirituality among ayahuasca ceremony novice participants. Journal of psychoactive drugs, 2009, vol. 41, no 2, p. 121-134.

(4) Estrella-Parra, E.A., Almanza-Pérez, J.C. & Alarcón-Aguilar, F.J. Ayahuasca: Uses, Phytochemical and Biological Activities. Nat. Prod. Bioprospect. 9, 251–265 (2019). https://doi.org/10.1007/s13659-019-0210-5.

(5) Estrella-Parra, E.A., Almanza-Pérez, J.C. & Alarcón-Aguilar, F.J. Ayahuasca: Uses, Phytochemical and Biological Activities. Nat. Prod. Bioprospect. 9, 251–265 (2019). https://doi.org/10.1007/s13659-019-0210-5.

(6) Hamill J, Hallak J, Dursun SM, Baker G. Ayahuasca: Psychological and Physiologic Effects, Pharmacology and Potential Uses in Addiction and Mental Illness. Curr Neuropharmacol. 2019;17(2):108-128. doi: 10.2174/1570159X16666180125095902. PMID: 29366418; PMCID: PMC6343205.

(7) Frecska E. Ayahuasca versus violence–a case report. Neuropsychopharmacologia Hungarica: a Magyar Pszichofarmakologiai Egyesulet lapja= official journal of the Hungarian Association of Psychopharmacology, 2008, vol. 10, no 2, p. 103-106.

(8) Winkelman M. Psychedelics as medicines for substance abuse rehabilitation: evaluating treatments with LSD, Peyote, Ibogaine and Ayahuasca. Curr Drug Abuse Rev. 2014;7(2):101-16. doi: 10.2174/1874473708666150107120011. PMID: 25563446.

(9) Brito-da-Costa AM, Dias-da-Silva D, Gomes NGM, Dinis-Oliveira RJ, Madureira-Carvalho Á. Toxicokinetics and Toxicodynamics of Ayahuasca Alkaloids N,N-Dimethyltryptamine (DMT), Harmine, Harmaline and Tetrahydroharmine: Clinical and Forensic Impact. Pharmaceuticals (Basel). 2020 Oct 23;13(11):334. doi: 10.3390/ph13110334. PMID: 33114119; PMCID: PMC7690791.

(10) Domínguez-Clavé E, Soler J, Elices M, Pascual JC, Álvarez E, de la Fuente Revenga M, Friedlander P, Feilding A, Riba J. Ayahuasca: Pharmacology, neuroscience and therapeutic potential. Brain Res Bull. 2016 Sep;126(Pt 1):89-101. doi: 10.1016/j.brainresbull.2016.03.002. Epub 2016 Mar 11. PMID: 26976063.

(11) Domínguez-Clavé E, Soler J, Elices M, Pascual JC, Álvarez E, de la Fuente Revenga M, Friedlander P, Feilding A, Riba J. Ayahuasca: Pharmacology, neuroscience and therapeutic potential. Brain Res Bull. 2016 Sep;126(Pt 1):89-101. doi: 10.1016/j.brainresbull.2016.03.002. Epub 2016 Mar 11. PMID: 26976063.

(12) James E, Keppler J, L Robertshaw T, Sessa B. N,N-dimethyltryptamine and Amazonian ayahuasca plant medicine. Hum Psychopharmacol. 2022 May;37(3):e2835. doi: 10.1002/hup.2835. Epub 2022 Feb 17. Erratum in: Hum Psychopharmacol. 2022 Apr 6;:e2843. PMID: 35175662; PMCID: PMC9286861.

(13) Winkelman M. Drug tourism or spiritual healing? Ayahuasca seekers in Amazonia. Journal of psychoactive drugs, 2005, vol. 37, no 2, p. 209-218.

(14) Kuypers KPC., Riba J, De La Fuente Revenga M et al. Ayahuasca enhances creative divergent thinking while decreasing conventional convergent thinking. Psychopharmacology, 2016, vol. 233, p. 3395-3403.

(15) Calder AE, Hasler G. Towards an understanding of psychedelic-induced neuroplasticity. Neuropsychopharmacology. 2023 Jan;48(1):104-112. doi: 10.1038/s41386-022-01389-z. Epub 2022 Sep 19. PMID: 36123427; PMCID: PMC9700802.

(16) Domínguez-Clavé E, Soler J, Elices M, Pascual JC, Álvarez E, de la Fuente Revenga M, Friedlander P, Feilding A, Riba J. Ayahuasca: Pharmacology, neuroscience and therapeutic potential. Brain Res Bull. 2016 Sep;126(Pt 1):89-101. doi: 10.1016/j.brainresbull.2016.03.002. Epub 2016 Mar 11. PMID: 26976063.

(17) Hamill J, Hallak J, Dursun SM, Baker G. Ayahuasca: Psychological and Physiologic Effects, Pharmacology and Potential Uses in Addiction and Mental Illness. Curr Neuropharmacol. 2019;17(2):108-128. doi: 10.2174/1570159X16666180125095902. PMID: 29366418; PMCID: PMC6343205.

(18) Domínguez-Clavé E, Soler J, Elices M, Pascual JC, Álvarez E, de la Fuente Revenga M, Friedlander P, Feilding A, Riba J. Ayahuasca: Pharmacology, neuroscience and therapeutic potential. Brain Res Bull. 2016 Sep;126(Pt 1):89-101. doi: 10.1016/j.brainresbull.2016.03.002. Epub 2016 Mar 11. PMID: 26976063.

(19) Brito-da-Costa AM, Dias-da-Silva D, Gomes NGM, Dinis-Oliveira RJ, Madureira-Carvalho Á. Toxicokinetics and Toxicodynamics of Ayahuasca Alkaloids N,N-Dimethyltryptamine (DMT), Harmine, Harmaline and Tetrahydroharmine: Clinical and Forensic Impact. Pharmaceuticals (Basel). 2020 Oct 23;13(11):334. doi: 10.3390/ph13110334. PMID: 33114119; PMCID: PMC7690791.

(20) Santos RG, Bouso JC, Hallak JEC. Ayahuasca, dimethyltryptamine, and psychosis: a systematic review of human studies. Ther Adv Psychopharmacol. 2017 Apr;7(4):141-157. doi: 10.1177/2045125316689030. Epub 2017 Feb 23. PMID: 28540034; PMCID: PMC5433617.

(21) Brito-da-Costa AM, Dias-da-Silva D, Gomes NGM, Dinis-Oliveira RJ, Madureira-Carvalho Á. Toxicokinetics and Toxicodynamics of Ayahuasca Alkaloids N,N-Dimethyltryptamine (DMT), Harmine, Harmaline and Tetrahydroharmine: Clinical and Forensic Impact. Pharmaceuticals (Basel). 2020 Oct 23;13(11):334. doi: 10.3390/ph13110334. PMID: 33114119; PMCID: PMC7690791.

(22) Hamill J, Hallak J, Dursun SM, Baker G. Ayahuasca: Psychological and Physiologic Effects, Pharmacology and Potential Uses in Addiction and Mental Illness. Curr Neuropharmacol. 2019;17(2):108-128. doi: 10.2174/1570159X16666180125095902. PMID: 29366418; PMCID: PMC6343205.

(23) Estrella-Parra EA, Almanza-Pérez JC, Alarcón-Aguilar FJ. Ayahuasca: Uses, Phytochemical and Biological Activities. Nat Prod Bioprospect. 2019 Aug;9(4):251-265. doi: 10.1007/s13659-019-0210-5. Epub 2019 May 27. PMID: 31134518; PMCID: PMC6646606.

(24) Tupper KW. Entheogens and existential intelligence: The use of plant teachers as cognitive tools. Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l’éducation, 2002, p. 499-516.

(25) Soler J, Elices M, Franquesa A, Barker S, Friedlander P, Feilding A, Pascual JC, Riba J. Exploring the therapeutic potential of Ayahuasca: acute intake increases mindfulness-related capacities. Psychopharmacology (Berl). 2016 Mar;233(5):823-9. doi: 10.1007/s00213-015-4162-0. Epub 2015 Nov 27. PMID: 26612618.

(26) Barnard GW. ENTHEOGENS IN A RELIGIOUS CONTEXT: THE CASE OF THE SANTO DAIME RELIGIOUS TRADITION: with Ron Cole‐Turner, »Entheogens, Mysticism, and Neuroscience »; William A. Richards,“Here and Now: Discovering the Sacred with Entheogens”; G. William Barnard, »Entheogens in a Religious Context: The Case of the Santo Daime Religious Tradition »; and Leonard Hummel, »By Its Fruits? Mystical and Visionary States of Consciousness Occasioned by Entheogens. ». Zygon®, 2014, vol. 49, no 3, p. 666-684.

(27) Shanon B. Altered temporality. Journal of Consciousness Studies, 2001, vol. 8, no 1.

(28) Riba J, Rodríguez-Fornells A, Urbano G, Morte A, Antonijoan R, Montero M, Callaway JC, Barbanoj MJ. Subjective effects and tolerability of the South American psychoactive beverage Ayahuasca in healthy volunteers. Psychopharmacology (Berl). 2001 Feb;154(1):85-95. doi: 10.1007/s002130000606. PMID: 11292011.